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La République du Congo se dote d’un droit de la concurrence interne

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Jusqu’à présent, la règlementation des pratiques commerciales anticoncurrentielles en République du Congo n’était prévue qu’au niveau régional (CEMAC), par le règlement n°06/19-UEAC-639-CM-33 du 07 avril 2019.

Par la loi n°16-2024 du 9 juillet 2024 relative à la concurrence, la République du Congo se dote d’un arsenal législatif qui vient sanctionner les pratiques anticoncurrentielles « ayant leur origine sur le territoire national ou à l’étranger, dont les effets sont susceptibles de se produire sur le marché intérieur ».

Au titre de ces pratiques anticoncurrentielles, l’on retrouve les ententes anticoncurrentielles et les abus de position dominante.

Il est aussi question de certaines opérations de concentration entre opérateurs économiques mais aussi des pratiques étatiques restrictives de la concurrence.

Dans le présent article, nous nous intéresserons exclusivement aux pratiques des opérateurs économiques privés prévues par loi et non aux pratiques de l’Etat (aides d’Etat).

  1. Les pratiques anticoncurrentielles

I.1) Les ententes anticoncurrentielles

L’article 4 de la loi définit les ententes anticoncurrentielles entre entreprises comme tous, accords, conventions, ententes expresses ou tacites, soumissions collusoires, décisions d’association, pratiques concertées ou coalitions qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence.

Tout accord dans ce sens est réputé nul et de nul effet.

De plus, l’Autorité nationale de la concurrence est chargée de constater cette nullité sans préjudice du recours judiciaire en annulation.

Ces ententes anticoncurrentielles sont listées de manière non exhaustive par la loi, on y retrouve notamment celles qui :

  • limitent l’accès au marché à d’autres entreprises ;
  • font obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
  • limitent ou contrôlent la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;
  • se répartissent le marché, la clientèle ou les sources d’approvisionnement ;
  • organisent des refus concertés d’achat et d’approvisionnement ;
  • mettent en œuvre des soumissions collusoires à des marchés publics.

Certaines de ces ententes ne sont pas prohibées, notamment lorsqu’elles ont des effets bénéfiques ou qu’elles font l’objet d’une décision d’exemption prise par le Gouvernement, après avis de l’Autorité nationale de la concurrence (article 5 de la loi)

I.2) L’abus de position dominante

L’article 6 de la loi dispose qu’une position dominante est établie lorsqu’une entreprise ou un groupe d’entreprises est dans une position de puissance économique qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause, en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents et des consommateurs.

La position dominante est établie par l’autorité nationale de concurrence sur la base de l’analyse des facteurs suivants :

  • la part de marché de l’entreprise en cause ;
  • l’évolution de la position de l’entreprise en cause vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs ;
  • les obstacles à l’entrée et à l’expansion (notamment structurels, stratégiques et juridiques) ;
  • les contraintes imposées par des concurrents existants ou potentiels ;
  • la puissance d’achat compensatrice des acheteurs.

La simple position dominante ne suffit à constituer une infraction encore faut il l’exploiter de façon abusive dans un marché déterminé de produits ou de services.

L’article 8 de la loi donne une liste non exhaustive de l’exploitation d’une position dominante  qui peut être constitutive d’un abus de position dominante.

Nous y retrouvons notamment le fait d’appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales pour des prestations équivalentes, empêcher l’accès d’une autre entreprise sur le marché, ou encore de rompre les relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées…

  1. Les opérations de concentration

La loi prévoit qu’une opération de concentration est réalisée lorsque :

  • deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent ;
  • une ou plusieurs entreprises acquièrent directement ou indirectement que ce soit par prise de participation au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle total ou partiel d’une ou plusieurs entreprises ;
  • il est créé une entreprise commune accomplissant d’une manière durable l’exercice d’une entité autonome.

En revanche, il est expressément disposé qu’une opération de concentration n’est pas réalisée lorsque :

  • des établissements financiers ou des sociétés d’assurances, dont l’activité normale inclut la transaction et la négociation de titres pour leur compte ou pour le compte d’autrui, détiennent, à titre temporaire, des participations qu’ils ont acquises dans une entreprise en vue de leur revente ;
  • le contrôle est exercé à titre provisoire par une entreprise mandatée par l’autorité publique en vertu de la légalisation, dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire ou de faillite des entreprises.

Les opérations de concentration de dimension nationale devront préalablement requérir l’avis de l’Autorité nationale de la concurrence. Il est prévu que les seuils de chiffres d’affaires à partir desquels les contrôles se feront seront déterminés par voie règlementaire.

Par ailleurs, lorsqu’une opération de concentration est communautaire (au niveau de la CEMAC), le dossier est transmis à l’Institution de la CEMAC dénommée Conseil Communautaire de la Concurrence.

L’Autorité nationale de la concurrence pourra notamment interdire une opération de concentration qui a pour effet de :

  • restreindre sensiblement les possibilités de choix des fournisseurs et/ou des clients et consommateurs ;
  • limiter l’accès aux sources d’approvisionnement ou aux débouchés ;
  • créer ou renforcer une position dominante de nature à entraver la concurrence de manière significative.

L’Autorité nationale de la concurrence apprécie, si l’opération apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les éventuelles atteintes à la concurrence.

Elle tient compte de certains éléments, listés de manière non exhaustive à l’article 13 de la loi.

C’est le cas notamment de :

  • la structure de tous les marchés en cause ;
  • la position sur le marché des entreprises concernées et de leur puissance économique et financière ;
  • l’intérêt des consommateurs intermédiaires et finaux ;
  • l’évolution du progrès technologique, pour autant que ce facteur soit à l’avantage des consommateurs ;
  • la compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale.
  1. Les sanctions en cas d’infraction relative à la concurrence

L’Autorité nationale de concurrence peut sanctionner tout contrevenant aux dispositions impératives de cette loi.

Les infractions donnent lieu au paiement d’une amende dont le montant ne peut excéder 10% du chiffre d’affaires hors taxes réalisé au niveau national au cours du dernier exercice clos ou d’un exercice plus approprié dans la période de la commission de l’infraction.

En cas de récidive, l’amende est portée au double.

Il est prévu que la procédure de détermination et de liquidation de l’amende sera fixée par voie réglementaire.

En plus ce cette amende, il est prévu que l’autorité nationale de la concurrence puisse infliger une pénalité dont le montant ne peut dépasser 5% du chiffre d’affaires hors taxes lorsque les entreprises :

  • donnent des indications inexactes ou dénaturées à l’occasion d’une notification de l’autorité nationale de la concurrence ;
  • fournissent des renseignements inexacts en réponse à une demande de l’autorité nationale de la concurrence, ou ne fournissent pas un renseignement demandé, dans le délai fixé ;
  • présentent des documents incomplets ou refusent de se soumettre aux vérifications décidées par l’autorité nationale de la concurrence.

Par ailleurs, les entreprises victimes des pratiques anticoncurrentielles peuvent en demander réparation devant les juridictions commerciales.

La promulgation de cette loi relative à la concurrence, fortement inspirée des textes de la CEMAC et de l’Union Européenne en la matière, est à saluer.

En effet, la République du Congo, jusqu’à aujourd’hui, n’encadrait pas la concurrence entre opérateurs économiques sur son marché national, laissant ainsi perdurer certaines pratiques anticoncurrentielles au détriment du consommateur.

Reste à voir dans la pratique, quelle sera l’efficacité de l’autorité nationale de concurrence dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles ainsi que la collaboration de cette autorité avec le Conseil communautaire de la concurrence de la CEMAC.